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Hiroshima

by Ludwig Von 88

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1.
Manhattan 04:46
Planchant pour mettre à jour Les entrailles de la matière L’arme qui lâchera le feu Et remuera la terre Pariant sur mes pulsions Éminemment destructrices Ils voyaient tous en moi L’envoyée salvatrice À peine m’avaient-ils portée à la lumière Qu’ils vénéraient sans crainte ma supposée puissance Souhaitant au plus vite me voir brûler les planches De mon souffle abrasif de ma chaleur intense Quelques atomes instables Aux mœurs plutôt volages Prêts à péter le feu Dès la première occasion À cinq vingt-neuf et quarante-cinq Ils sont les égaux des dieux Ayant en leurs mains le moyen De générer le feu À peine fêté mon premier tour de force Déjà l’envie les démangeait De me jeter à même la foule Pour mesurer l’étendue de ma fougue L’ivresse de la victoire les saisit Leur tourne la tête leur fait briller les yeux Détenteurs du feu sacré Missionnaires impartiaux et furieux Et ils siègent au plus haut du monde Attisant toutes les convoitises Ne sachant de quel démon immonde Ils sont tombés sous l’emprise
2.
Enola Gay 04:54
Dans tes yeux passent images lointaines Souvenirs brefs chants irréels Des frissons étranges parcourent ton corps Tes paupières sont lourdes ton cœur s’interroge Nuit étoilée les ailes argentées Pliant sous un fardeau intense Glissent irrétives dans l’air contraint Voguent silencieuses vers des cieux denses Dans l’ébène froide et endeuillée La nuit s’étend dans un ciel d’enterrement Dans tes tympans vibrent les hélices Vibrent les chants vibrent les chants Les stries violacées des nuages Lèchent brûlent la lune à l’horizon Tes yeux captivés rivés sur les reflets Des gouttes qui perlent le cockpit Sous toi un reflet incertain L’océan se pare d’un velours noir Ondule aux chants funestes des moteurs Litanie lourde et oppressante La clef qui ouvre une nouvelle ère Somnole indolente à tes pieds Dans tes tympans vibrent les hélices Vibrent les chants vibrent les chants L’aube s’est levée dorée elle chante Une larme chatoyante dans la lumière Crue et violente d’un jour nouveau Le soleil brille froid et radieux Elle t’apparaît tache rutilante Oasis dans une mer de nuages Vierge et offerte cité inconsciente Ton regard durcit ton cœur devient pierre Dans l’aurore éternelle et figée Ton innocence deviendra crime Mille nouveaux soleils se lèveront Au pays du soleil levant
3.
Hiroshima 03:08
Ils allaient sans crainte dans le matin chaud Vaquant sans soupçon aux labeurs quotidiens L’air brûlant stagnait et sous le soleil La température montait sans réserve Ils marchaient tranquilles travaux ordinaires Ils œuvraient sans cesse en attendant Une issue prochaine à cette guerre sans fin Qui leur volait fils maris et parents Jours et nuits rythmés par les cris des sirènes Alertes inconséquentes la ville restait vierge Préservée des nuées incendiaires Qui brutales ravageaient le pays entier Canicule matinale le soleil l’air chaud Ralentissent leur gestes brise anesthésique La sueur s’unit à la poussière Et ruisselle sur leur corps complaisant Journée anodine moment trop commun Je vois dans le ciel un avion qui luit Ange métallisé dans l’azure bienveillant Le ciel m’éblouit ronronnent les moteurs Un parachute s’ouvre il s’approche sans hâte Un papillon gauche qui oscille désinvolte Lentement il tombe saluant la ville De ses ailes tendues aux allures rassurantes
4.
Little Boy 04:09
J’irai tout droit plonger L’eau boueuse du delta Répandre un feu chargé Sur la rivière Ota J’apporte un nouveau souffle D’une fraîcheur inédite Un témoignage ardent D’une puissance sans limite Je sens latent en moi Trépignements profonds Un besoin de briller À la face des nations Je filerai droit au but Impatient d’exprimer Une flamme et une ardeur D’une rare intensité Moi qui restais serein Dans ce corps métallique J’ai ressenti soudain Une envie irrépressible Je bouillonne d’enthousiasme À l’idée d’échapper À ce carcan infâme Qui me tient prisonnier D’alpha jusqu’à gamma Je rayonnerai vainqueur Irrésistible aura Émanant de mon cœur Quand viendra enfin l’heure D’enchaîner les réactions Explosant de bonheur Je déchaînerai les passions Je descends chute libre Secondes d’éternité Balance entre deux ères Mon fiel insoupçonné J’attends surexcité La masse supercritique Pour exprimer toutes mes Prétentions atomiques Je serai le soleil L’implacable châtiment Qui emplira le ciel D’un éclair fulgurant Je fractionnerai l’atome Moment libérateur Dispersant sans compter Mon feu purificateur
5.
Fire 05:16
Ils vont vaincus les yeux pleurant des larmes Noires et gluantes sang poussières et leur peau Se décolle et boursoufle dans le vent funeste Qui se déchaîne comme l’enfer sur la terre De longs filets de peau balancent au bout des doigts Ils vont bras en avant la terreur en leur cœur Voyage hallucinant parmi débris et morts Et le feu les poursuit de son étreinte létale Ils errent hagards le visage tuméfié Traînant perdus parmi les monceaux de cadavres Se jettent instinctivement vers le cours salvateur D’un bras du fleuve rouge de sang noir de cendres Leurs mots se collent aux lèvres calcinées Et s’évadent en un râle aux consonances tragiques Lugubre procession ils s’en vont titubant Dépouilles déchiquetées dans la brume en suspens Des ombres sombres dansent figées sur le sol Formes noirâtres irréelles flottant dans la poussière Spectres perdus ils s’égarent affolés Désorientés et nus dans les flammes infernales Et leurs cris restent vains leur douleur inutile Ils s’écroulent un à un suffocante agonie La ville n’est plus que ruine qui geint et se lamente Au rythme des êtres qui s’embrasent et s’éteignent
6.
Hibakusha 05:42
Dans la torpeur écrasante des nuits Qui les laissent esseulés mourant Cherchant réconfort dans la fuite Les yeux attristés le corps brûlant Ils vont errant sans trop comprendre Pourquoi l’enfer s’est abattu Fournaise éternelle sur leur corps Réduisant leur vie à néant Ils vont meurtris sans trop d’espoir Vers un futur marqué de noir Un mal intérieur les oblige À rester résignés et passifs Redoutant qu’un soir au ciel vague L’éclair les rattrape et les emporte Les femmes les hommes les enfants S’écroulant gorge sèche et nouée Dans ce brouillard qu’est leur futur Ils survivent faibles et angoissés Et ce feu profond qui les ronge Les amoindrit jour après jour Pariant leurs chances de guérisons Sur l’improbable apparition D’un arc-en-ciel multicolore Dans un ciel sec et insensible

credits

released August 1, 1995

Enregistré et mixé en mai 1995 au Studio Karma par Gilles Théolier, avec l'aide éclairée de Pascal Ianigro.
Trompettes par Arnaud et Trombones par Bouchon
Pochette intérieure : Karl Kleanos et TCB
Pochette extérieure : Chris Maresco
Traduction : Laurence et Albert Seltzer
Corrections : Marion et Abdul Pro-Lexis
Assistance scan : Gondrax and GG T-shirts
Relations pochette et logistique zinecui : Tonton Tchurla
Tea party : Nobru et Tchurlups

Merci à Chris, Arnaud et Bouchon, Yanis, Matthieu, Pascal Coko Sandra Marion Gaël Davie Pirouette Téléchat les fils et les filles de Téléchat et PC, TCB und Marion, Yves, Laurence, Thierry qui habite en dessous de chez Charlu, IHN

Documentation disponible sur Hiroshima à l’Institut Hiroshima Nagasaki : IHN BP 108, 92244 Malakoff Cedex
www.ihn-france.org

Merci tout spécialement aux éditions Autrement.

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Ludwig Von 88 Paris, France

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